Prélude du féminisme contemporain : Les fées ont soif

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Par Pablo Luna

« Entre deux individus, l’harmonie n’est jamais donnée, elle doit indéfiniment se conquérir ». Telles étaient les paroles de Simone de Beauvoir, une Française revendicatrice des droits des femmes. Par ces paroles, la philosophe, essayiste et romancière voulait partager un message clair aux femmes des années 1970. On parlait alors de libération féminine et d’émancipation. On croit que tout cela prend ses racines suite à la Deuxième Guerre mondiale. Les hommes étant partis à la guerre, c’était aux femmes d’assurer la continuité du maintien familial. D’abord, c’était l’accès aux industries où elles devaient travailler à la place des hommes ; ensuite, ce fut au foyer que les femmes virent un changement : l’homme n’étant pas à la maison, c’était aux femmes d’assurer toutes les responsabilités attachées au foyer. Lorsque les hommes retournèrent de la guerre, ils virent une panoplie de changements et de revendications surtout en ce qui concerne l’accès à l’éducation et au travail pour l’entité. Ce fut le cas dans beaucoup des pays qu’ont participé à cette guerre. Pour ce qui est du Québec, les Québécoises ont pu obtenir leur droit de vote en 1940 grâce aux efforts constants des mouvements féministes. Depuis, c’est le travail constant des femmes, qui leur a permis de gagner ce qui leur revient d’égalité sociale ; ce n’est pas la lutte d’une femme, c’est la lutte de toutes les femmes. Denise Boucher, écrivaine québécoise, a contribué à déconstruire la stigmatisation qui retombait sur les femmes au Québec. En 1978, elle engendrera un scandale religieux avec sa pièce de théâtre Les fées ont soif. La pièce de Denise Boucher s’attaque de manière iconoclaste à une autre réalité qui n’est pas du domaine religieux. Elle s’attaque à l’oppression des femmes québécoises. En somme, on peut se demander si cette pièce est un plaidoyer donné aux femmes pour un monde meilleur.  D’abord, on observera de quelle façon, Denise Boucher fait un appel au changement adressé aux hommes ; ensuite, on comparera cet appel au message que l’auteure adressera aux femmes. Pour finir avec le contraste engendré par ces deux appels.

D’abord, l’écrivaine, par l’intermédiaire de Marie, un de ses personnages, fait un appel aux hommes : « J’en appelle à vous, chevaliers moroses, qui avez fait vœu de masculinité. Je vous invite à déserter vos hystériques virilités. Déserteurs demandés. Iconoclastes demandés » (P. 98). On peut observer sur cet extrait, la façon donc Denise Boucher fait une critique et un appel au sexe masculin. Dans un premier temps, la critique s’exprime par les mots « chevaliers moroses », « masculinité » et « virilité ». On comprend l’essentiel des défauts qui façonnent l’homme selon l’auteure. Elle vient même personnifier la virilité pour la rendre « hystérique », alors peureuse ; ce qui lui donne son essence. Dans d’autres mots : ce qui précède la virilité est la peur. Dans un deuxième temps, on peut observer un appel au changement dans cet extrait. Le pronom personnel « Je » adressé au pronom « vous » vient établir un discours entre une dualité existentielle : le « je » pour la femme et le « vous » pour l’homme. L’appel est fait par l’intermédiaire du verbe « déserter », qui peut être compris dans cette situation comme « abandonner », abandonner la virilité. De plus, l’emploi du verbe déserter à la forme nominale démontre la grande signification qu’il y a derrière cet abandon ; on fait un appel aux déserteurs. On fait aussi un appel aux iconoclastes, à ceux qui s’attaquent aux symboles. En bref, on peut distinguer un discours qui délivre les hommes ; on les délivre d’une carcasse remplie de préjugés et de stigmatisations. On veut qu’ils soient libres, libres de briser les symboles.

Ensuite, Denise Boucher, cette fois-ci par l’intermédiaire de La Statue et de Madeleine, fait un appel aux femmes : -Madeleine : « Sinon, qui me tiendra pour femme, à part les femmes ? /

-La Statue : J’en appelle à moi. Parce que le temps des victimes est terminé… » (P. 98-99). D’un côté, lorsque Madeleine s’exprime, on peut percevoir un appel qui s’adresse à la totalité des femmes. L’utilisation du pluriel pour désigner « les femmes » témoigne la nécessité d’un changement qui devrait se faire par une cohésion ; une cohésion pour établir les fondements de l’identité féminine. En effet, on veut puiser dans les liens du genre, une identité commune. De plus, le subordonnant de conjonction « parce que » exprime la cause du changement : « le temps [est] terminé ». D’un autre côté, La Statue avance une réflexion à exploiter par rapport à cette identité.

Avant de débuter la réflexion, il est important d’observer que l’appel s’adresse au subjectif du collectif féminin, qui est transcrit dans cet extrait par le pronom « moi ». On veut une identité sans stigmatisations ni symboles, on veut briser les archétypes. On veut une femme ni pute, ni soumise, ni « victime » ; on veut une femme libérée d’elle-même et par ses propres moyens. En somme, on perçoit le contraste qu’il y a entre l’appel fait à collectivité des femmes et celui fait à leur subjectivité ; contraste qu’on pourrait résumer par la phrase suivante : Une pour toutes et toutes pour une.

En conclusion, Denise Boucher s’adresse de manière tangible aux hommes et aux femmes ; on a pu soulever, dans ses extraits, des critiques et des conseils donnés à des personnes ou à leurs subjectivités. Elle dresse un portrait positif du dualisme qu’il y a entre les genres. En effet, on a constaté que l’auteure de la pièce  Les fées ont soif fait un plaidoyer pour un monde meilleur ; un plaidoyer en forme de discours qui sera prononcé dans une langue féminine, mais accordé dans la dualité homogène d’un double genre. Denise Boucher revendique une union et une harmonie qui doit se conquérir jour après jour. Encore aujourd’hui, il serait intéressant d’analyser l’évolution des conditions de la femme au Québec et de faire une critique par rapport au plaidoyer avancé dans cette pièce de théâtre.


Travail lauréat du 2e concours de littérature en français «Le succès c’est chic, la culture aussi» pour la catégorie «Essai» organisée par la Chambre de commerce latino-américaine du Québec.

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