Par Alejandro Estivill, consul général du Mexique à Montréal
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Profitant de l’expérience accumulée aux États-Unis, avec plus de 100 guichets consulaires (dans certaines villes avec 20 ans d’expérience), cette semaine le premier Guichet de Santé et le premier Guichet de Conseil financiers au Canada ont été installés au Consulat Général du Mexique à Montréal. C’est le début de la reconnaissance des besoins importants de la communauté mexicaine, et pas seulement mexicaine mais de toute l’Amérique latine, dans ce pays. Son objectif est l’orientation dont nos concitoyens ont besoin en matière de santé et l’éducation et les conseils tout aussi nécessaires en matière de gestion des ressources afin de mieux profiter des résultats très importants de leur dur labeur.
Pour ce faire, nous avons organisé la visite à Montréal du Directeur de l’Institut des Mexicains à l’étranger, Monsieur Luis Gutierrez. Cet organisme est une entité décentralisée du ministère mexicain des affaires étrangères dont la fonction est de générer toutes sortes de liens entre les acteurs nationaux et étrangers afin que les communautés mexicaines vivant à l’extérieur du pays soient mieux à même de surmonter leurs vulnérabilités, de se développer équitablement et de trouver tout acteur susceptible de les soutenir dans leur progression. L’institut a également considéré que les participants au programme de travailleurs agricoles saisonniers (PTAS), qui arrivent au Canada en nombre supérieur à 27 000 chaque année, devraient être l’un des principaux publics cibles de ses programmes.
Commençons par le premier : les conditions d’obtention d’un Guichet de Santé au Canada sont différentes de celles des États-Unis. Nous n’avons pas les niveaux de population sans papiers de ce pays, et la couverture médicale au Canada est, par la loi et par vocation, universelle, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis. Cependant, le Guichet de Santé de notre consulat détecte que ce service peut être offert d’abord aux travailleurs agricoles saisonniers du PTAS et, à partir de cette première instance, à tous les types d’immigrants, qu’ils soient mexicains ou non. Les travailleurs temporaires arrivent avec une couverture santé de la compagnie d’assurance COWAN, qui est généralement très bonne, mais cela n’élimine pas le besoin important des immigrants hispanophones de mieux comprendre le système de santé québécois et de s’y retrouver plus efficacement pour savoir qui et où ils peuvent obtenir une réponse à leurs besoins, pour soigner une douleur, une maladie ou une complication latente qui affecte leur vie. Grâce à cette initiative, ils sont censés comprendre l’assurance et son fonctionnement : ce qui est couvert et ce qui ne fait pas partie de leur police. On espère qu’ils recevront des services et de la documentation en espagnol et, surtout, qu’ils pourront se concentrer sur la santé préventive, qui est si importante si l’on veut traiter une maladie à temps.
La pandémie de Covid 19 nous a également appris quelque chose de très pertinent : la santé mentale est un besoin incontournable, en particulier pour les travailleurs agricoles temporaires qui ont dû faire face à l’isolement, à des quarantaines compliquées et à des conditions de surpopulation. Pour cette raison, ce guichet est équipé d’un bras d’assistance, par téléphone et avec des spécialistes parlant espagnol et appartenant à la culture mexicaine, pour fournir une première assistance et une orientation qui, dans la plupart des cas, permet d’apporter une aide rapide, de canaliser les cas et d’éviter des situations tragiques.
Il est essentiel de remercier les partenaires de cet effort, des personnes qui comprennent que nous ne pouvons pas attendre et encore moins supposer que tout au Canada, pour les immigrants, est prévisible et satisfaisant : le Consulat général du Mexique s’est associé à CAFLA, le Centre d’attention aux familles latino-américaines, qui a 20 ans d’expérience et est constamment au courant des cas les plus pertinents de désarroi pour ceux qui arrivent au Québec et qui sont vulnérables en raison des différences de culture, de langue et des conditions socio-économiques ou d’immigration légale qui les affectent. Les conseils prodigués par ce biais facilitent et approfondissent le travail d’un consulat.
S’y ajoutent le SOIT (Service d’Orientation et d’Intégration des Immigrants au Travail) et le Dr Mario Mújica, lauréat du Prix Ohtli et véritable ami du consulat qui s’est rendu disponible pour devenir le chef d’orchestre, le spécialiste qui permet à la fenêtre de prendre les bonnes décisions. Un tel projet ne supplante pas la capacité louable du Québec en matière de soins de santé publics et hautement sociaux. Au contraire, elle s’allie à cette capacité et ne fait que la compléter par sa force de compréhension culturelle de ceux qui arrivent dans le pays. Sa fonction est d’orienter et de réorienter, de prévenir et d’apporter un soutien au moment le plus opportun, sans délai et avec un grand sens de l’humanité.
Dans le même ordre d’idées, la présence de M. Gutiérrez à Montréal a permis l’installation d’un Guichet de conseil financier. Ce projet, qui est également le premier du genre au Canada, se concentre sur les problèmes rencontrés par les travailleurs temporaires pour prendre les décisions financières qui leur sont les plus favorables. Afin de discuter de ses objectifs, il est utile d’exposer la situation que vivent actuellement les travailleurs et qui les affecte, une situation à laquelle il faut répondre. Un travailleur temporaire passe une grande partie de son précieux temps à faire la queue pour percevoir son salaire en espèces, prend des risques et fait des files d’attente interminables pour se rendre dans des sociétés dites de «transfert de fonds» qui envoient l’argent à sa famille, en prélevant des commissions élevées et en offrant des taux de change peu satisfaisants. Il ne connaît pas les possibilités et les avantages d’une culture de l’épargne, il ne sait pas quelles formules existent pour récupérer les ressources de son travail qui se trouvent dans des fonds de retraite dans son pays d’origine ou au Québec. Il s’est éloigné d’un système bancaire adéquat qui lui offre la sécurité et les meilleurs rendements pour son argent et, dans d’autres cas, il ignore les possibilités qui existent pour canaliser l’argent qui provient de ses efforts vers des opportunités d’éducation pour sa famille, ou pour l’inscrire, lui et les membres de sa famille, dans le système de sécurité sociale mexicain à distance.
Face à ce scénario, le Consulat général du Mexique a entrepris d’améliorer les capacités de prise de décision financière des travailleurs : les travailleurs agricoles et, à partir de là, tous ceux qui arrivent au Québec dans une grande variété de secteurs. Il existe une attente très claire : que le travail effectué au Canada soit converti, grâce aux meilleures décisions financières, en d’importants changements générationnels ; que le fils du travailleur journalier devienne un professionnel, que la famille puisse créer une entreprise, que les travailleuses réalisent leurs rêves d’entrepreneuriat.
Des alliés très importants se sont joints à cet effort : tout d’abord, le Conseil de coordination des entreprises Mexique-Québec (CCEMQ), qui est clair qu’il peut être l’acteur clé de ce guichet de conseils financiers et étendre sa portée au-delà des travailleurs agricoles temporaires à tous les types d’immigrants, y compris les petits entrepreneurs. Il sait également qu’il pourra profiter de cette fenêtre pour diffuser un large éventail de sujets essentiels pour le nouvel arrivant sur ces terres : connaissance du système bancaire et fiscal, développement professionnel, produits bancaires et leur utilisation, accompagnement des projets d’entreprise, incubation d’initiatives et internationalisation des produits, parmi tant d’autres ; ce ne sont là que quelques-unes des initiatives de conseil prêtes à être déployées.
Un autre partenaire est l’important Mouvement Desjardins qui, principalement par le biais de l’organisation Développement International Desjardins (DID), a mis des moyens matériels à la disposition de ce guichet pour se mobiliser avec les promoteurs du conseil financier dans les fermes, les lieux de travail et les espaces communautaires afin de montrer combien il est possible de faire des progrès et de réaliser un changement de génération lorsque les mesures financières les plus appropriées sont prises.
C’est un moment d’espoir, beaucoup de progrès ont été faits avec l’installation de ces guichets qui couvrent la population mexicaine mais aussi tous les latino-américains de Montréal. Il est temps maintenant d’ajouter la volonté et l’effort toujours louable de nombreux autres acteurs communautaires qui comprennent que des travailleurs mieux informés sont la clé d’un écosystème vertueux où tout le monde est gagnant, où les sociétés du pays d’origine et du pays d’accueil en bénéficient grandement.