La réglementation, la voie d’une véritable attention à la main-d’œuvre étrangère temporaire au Canada

PHOTO : RADIO-CANADA / MAGGIE MACPHERSON/CBC
Par Alejandro Estivill, consul général du Mexique à Montréal
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Le premier transfert de travailleurs agricoles temporaires du Mexique vers le Canada remonte à 1974 et ne concernait que 205 personnes. Il s’agissait d’un projet pilote. Les parties se sont tenues en retrait pour mesurer soigneusement ses résultats. Depuis lors, elle s’est systématiquement développée pour atteindre plus de 28 000 travailleurs. Pendant la pandémie de Covid-19, on pensait que le programme aurait une diminution significative de peut-être la moitié des travailleurs demandés. Il ne s’est rien passé de tel. Si les chiffres de 2019 n’ont pas été atteints, 86% des demandes soumises par les employeurs en 2020 et 2021 ont été satisfaites avec l’arrivée des travailleurs requis. La production agricole canadienne a pu s’en sortir. Le Québec est la province qui a obtenu les meilleurs taux de conformité au programme grâce à la collaboration de nombreux acteurs.

Le gouvernement du Mexique, par l’intermédiaire du Service national de l’emploi (SNE), a déployé des efforts extraordinaires pour relever les défis de la pandémie et contribuer au succès du programme dans des conditions particulières. La partie mexicaine a entrepris le processus de test PCR pour tous les voyageurs déjà programmés en des temps extraordinaires, a identifié des laboratoires, a fait en sorte que les travailleurs prennent en charge les coûts et a soutenu les transferts vers des lieux permettant de réaliser ces tests. Les processus d’information envers les travailleurs et, également, la transformation radicale des procédures, en utilisant les nouvelles technologies (principalement la documentation en ligne), ont été indispensables pour soutenir les autorités canadiennes contraintes au télétravail. Certains de ces développements sont déjà devenus des normes minimales pour l’avenir.

Les homologues canadiens ont également apporté leur contribution en installant des systèmes de dépistage et de vaccination (les cliniques de l’aéroport de Montréal en sont un exemple louable) et en organisant, en étroite coordination avec le Mexique, des vols charters lorsque la connectivité était particulièrement affectée. Le plus important, cependant, est un fait historique qui est apparu clairement : pour le PTAT, le gouvernement mexicain fait un travail de recrutement louable, sans équivalent dans le monde, et il le fait gratuitement.

Ce recrutement par l’SNE, qui est le résultat d’un grand effort de personnes très engagées, rend le programme PTAT particulièrement compétitif. Il répond sans aucun doute au mandat de cette institution sociale mexicaine, qui est de fournir un emploi aux Mexicains qui en ont besoin, sans frais pour eux et en garantissant des conditions d’emploi légales et dignes. Le PTAT fait partie de ce mandat, une petite partie, peut-être marginale par rapport à l’énorme mission du SNE sur l’ensemble du territoire mexicain ; mais il a une valeur symbolique incommensurable : un exemple mondial de la façon dont une relation de migration temporaire peut être réglementée de manière adéquate et cohérente pour créer un schéma «gagnant-gagnant» entre les pays d’origine et d’accueil.

Ce programme permet à un groupe de personnes originaires de la campagne mexicaine de bénéficier d’avantages et de se rendre dans un autre pays sans craindre d’être persécutées et en disposant de canaux adéquats pour présenter toute plainte concernant des violations de leurs droits en matière de travail ou de droits de l’homme. Ainsi, au cours des 48 années de fonctionnement du PTAT, tous les travailleurs impliqués ont exprimé et réussi à revenir dans le programme chaque saison. 85% d’entre eux deviennent la base de chaque nouvelle saison, ils deviennent «nominaux» (appelés par leur nom par un employeur spécifique). Ils génèrent une relation spéciale qui dure pendant plusieurs saisons et la croissance du programme se fait avec les nouveaux participants.  Le PTAT profite également de manière très importante à la production alimentaire au Canada, grâce à la compétitivité louable du recrutement gratuit et à plusieurs facteurs supplémentaires d’amélioration que les gouvernements mexicain et canadien mettent constamment en œuvre sur la base des expériences des années précédentes.

Depuis environ trois ans, le Service national de l’emploi a dépassé sa mission pour agir uniquement dans le cadre du PTAT. Il est passée à l’envoi de travailleurs au Canada dans le cadre de l’autre programme connu sous le nom de PTET (le programme unilatéral du Canada dans le secteur peu qualifié utilisé pour attirer la main-d’œuvre temporaire d’autres pays comme le Guatemala et bien d’autres). Le PTET s’adresse au secteur agricole, ainsi qu’à d’autres domaines de travail : les Mexicains commencent maintenant à arriver dans les emplois de terrain ainsi que dans les services de restauration, de nettoyage et de préparation des aliments et même dans la construction, sans parler des services et de tout le secteur manufacturier.

Ce changement opéré par les autorités mexicaines est d’une importance considérable : il implique d’offrir un service de recrutement encore plus noble et pertinent pour la productivité canadienne, car il est plus clair que jamais que le SNE peut fournir du personnel sans le coût onéreux du recrutement. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette situation est contrastée par le fait qu’un grand nombre d’entreprises, qui prolifèrent dans le but de trouver des solutions aux pénuries de main-d’œuvre, demandent jusqu’à 3 000 $ ou plus pour qu’une personne étrangère effectue un travail au Canada.

De même, ce type de recrutement implique souvent la publication d’offres d’emploi sur les pages officielles de le SNE ; cela conduit parfois à une prolifération de nouvelles, souvent mal informées et trompeuses, sur les possibilités d’emploi au Canada ; cela génère des attentes erronées et il est extrêmement important de réitérer l’information afin que chaque processus de recrutement soit réalisé par les voies légales et gouvernementales établies par le gouvernement canadien, avec les garanties minimales concernant la relation avec un véritable employeur et sur la base de conditions où les droits du travail sont respectés sans aucune restriction.

La question pertinente est de savoir ce que le gouvernement mexicain demande en échange de ce recrutement gratuit. La loi mexicaine prévoit que pour que le gouvernement puisse intervenir dans le processus de recrutement de ressortissants mexicains à l’étranger, les recruteurs doivent déposer une caution. L’esprit de cette exigence vise à garantir le rapatriement de la personne concernée dans le cas où la relation de travail offerte n’a pas été adéquate. Nous pouvons ainsi répondre à ce que recherche le Mexique lorsqu’il offre ces services gratuitement : il ne fait pas payer un recrutement, mais demande de garantir un traitement juste et adéquat de la personne concernée. Il recherche des partenaires qui comprennent la dignité qui doit sous-tendre tout processus de travail temporaire ; elle espère que le travail temporaire étranger ne se concentrera pas dans l’abîme insoluble des salaires précaires et des conditions de développement limitées (que le Mexicain a la possibilité de croître et de s’améliorer parce qu’il offre aussi un travail chaque fois meilleur) ; que la maxime selon laquelle le traitement sera le même que celui d’un ressortissant du pays d’accueil dans la même activité, les mêmes possibilités de réclamer des droits et de recevoir la justice, prévaudra sans faute.

De nombreux recruteurs et entreprises canadiennes se conforment à ces maximes et participent aux programmes de travail temporaire, générant ce que nous avons appelé une relation «gagnant-gagnant». D’autres ne le font pas, et cela nous oblige à agir : que les autorités canadiennes (c’est ce que nous demandons constamment) se concentrent de plus en plus sur l’examen des cas afin qu’aucune norme ne tombe et, au contraire, que de meilleures conditions soient générées et que les injustices soient structurellement résolues.

Cela conduit à l’émergence d’un nouveau chapitre dans les relations régissant le travail temporaire entre le Mexique et le Canada. Un important processus réglementaire est en cours. La clé sera de pouvoir indiquer à chaque travailleur impliqué dans des processus de travail temporaire avec le Canada quelle entité de recrutement a fait ses preuves en matière de traitement digne, de respect de chaque offre stipulée et d’accompagnement pour la réussite de la relation de travail entre le travailleur et l’employeur (compétences reconnues, permanence adéquate dans la relation de travail, conditions dignes, respect sans faille des contrats, possibilité d’avancement dans le développement, et bien plus encore).

Cela permettra de créer un canal de communication large et bénéfique pour le travail temporaire de bonne foi et les avantages partagés, où l’information est transparente, où les parties se conforment et sont contrôlables afin que nous sachions tous qui recrute et se conforme, et qui recrute, mais trompe. Personne ne protégera mieux un travailleur que le travailleur lui-même s’il dispose des sources réglementaires qui lui donnent des informations complètes et vérifiables sur le type de relation qu’il entretient avec la personne qui l’amène au Canada et la personne qui l’emploie. Une nouvelle question majeure s’est ainsi ouverte pour une relation dans le domaine du travail temporaire étranger : on n’hésite pas à qualifier cette relation de réussie, mais elle a encore de nombreux points à régler. En raison des volumes élevés d’interaction qu’elle connaît, elle doit constamment se moderniser et trouver les meilleurs moyens d’offrir certitude et équité à ses participants.

Maintenant, les processus de régulation et de connaissance des participants au recrutement sont à venir dans les prochains mois pour cette relation qui régit les programmes temporaires avec les travailleurs étrangers au Canada. Les consulats mexicains en feront partie.


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