Il est prévu d’améliorer le Programme de travailleurs agricoles saisonniers Mexique-Canada

Travailleurs migrants dans une ferme, dans une image d'archive. Photo : Bob Jagendorf / Flickr
Par Alejandro Estivill, consul général du Mexique à Montréal
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Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) que le Mexique et le Canada ont établi par un accord bilatéral a tenu sa réunion d’examen annuel en novembre dernier. Elle a réuni des fonctionnaires fédéraux et des associations d’employeurs des provinces concernées, ainsi que des organisations et des chercheurs intéressés par le soutien direct aux travailleurs temporaires. Un pas ambitieux qui, à cette occasion, mérite d’être souligné par un sens important de la collaboration.

Les facteurs qui expliquent cette situation sont nombreux : d’une part, le programme est perçu comme ancien. Bien qu’il ait été largement salué comme l’une des formules les plus satisfaisantes pour répondre à l’offre et à la demande internationales de main-d’œuvre dans des conditions adéquates pour ses participants, il a été créé en 1974 avec la participation de moins de 200 travailleurs journaliers issus des campagnes. En 2019, il a touché plus de 27 000 participants mexicains. D’autre part, bien que d’importantes améliorations aient déjà été apportées pour le rendre plus efficace, la pandémie de COVID 19 nous a obligés à redécouvrir la valeur de la main-d’œuvre migrante temporaire comme étant «essentielle » à la production alimentaire au Canada : la nécessité de prendre soin de cette main-d’œuvre dans des conditions où la sécurité et le bien-être des personnes concernées se révèlent être la plus haute priorité est indéniable.

Les autorités canadiennes responsables de l’examen des centres de production agricole, des documents et des conditions de travail ont indiqué lors de cette réunion que 95 % des exploitations participant au programme remplissaient les conditions nécessaires à une prise en charge satisfaisante de leurs travailleurs. Le Mexique indique clairement que 85% des travailleurs impliqués dans le programme sont des travailleurs dits nominaux et qu’ils attachent une grande importance à se réinscrire au programme saison après saison parce qu’ils trouvent leur participation satisfaisante. Toutefois, les cas négatifs, les abus, les contagions, les difficultés à traiter un travailleur concerné en temps opportun ne sont pas acceptables et rendent impératif de poursuivre les efforts d’amélioration.

Mais qu’y a-t-il de nouveau ? Les parties concernées se sont engagées à entreprendre, au cours de l’année 2022, une révision complète du contrat qui sous-tend ces relations de travail, étant entendu que, en raison de modifications constantes au fil du temps, il s’est éloigné de l’aspect pratique nécessaire pour obtenir tous les résultats escomptés. L’indemnisation des dommages liés aux intempéries, par exemple, qui n’atteignent pas les travailleurs, l’amélioration des assurances, l’élimination des rapatriements anticipés lorsque les travailleurs doivent rester au Canada pour se faire soigner ou pour s’occuper de questions juridiques, les augmentations de salaire, la valorisation de l’ancienneté et la révision des déductions qui ne sont pas bien justifiées ne sont qu’une partie de cet ambitieux projet. Mais cette perspective est également ancrée dans l’intérêt de placer le programme dans une vision plus large et binationale de ce qu’il peut être dans le cadre de la mobilité globale de la main-d’œuvre entre les pays.

De nombreux Latino-Américains connaissent les chiffres sur la soi-disant «pénurie de main-d’œuvre» au Canada, où la Colombie-Britannique et le Québec connaissent les circonstances les plus pressantes. Ces deux dernières années, cette pénurie s’est accentuée : les enquêtes de Statistique Canada montrent que le nombre d’offres d’emploi au Québec seulement a augmenté de 38 % par rapport à 2019, pour atteindre 195 145 postes vacants.

Il est important de dire qu’il s’agit d’un problème international et que, selon une enquête menée par ManpowerGroup dans 45 pays, 69 % des employeurs ont des difficultés à trouver le personnel dont ils ont besoin. En bref, il commence à s’agir d’un phénomène complexe, avec l’automatisation, l’impact sur les emplois traditionnels, les perturbations du marché et les besoins qui apparaissent dans de nouvelles activités dont on ne pensait même pas qu’elles étaient pertinentes auparavant. La rectrice de l’UQAM a dit un jour que des études montrent que 60% des professions actuellement envisagées comme réalisables pour l’avenir d’un nouveau-né changeront radicalement ou disparaîtront au moment où il atteindra l’âge adulte. C’est pourquoi le gouvernement du Québec a récemment lancé la stratégie «Opération main-d’œuvre», qui vise à remédier à cette pénurie et dont la stratégie est principalement orientée vers la requalification des travailleurs.

Ce qui est curieux, c’est que les activités plus routinières et mécaniques sont celles qui peuvent être fournies et qui sont fortement affectées dans le monde changeant d’aujourd’hui, mais les activités plus créatives et innovantes, les activités qui nécessitent une implication humaine sensible et également des compétences manuelles difficiles à reproduire avec des machines (l’agriculture, la préparation spéciale d’aliments ou certaines activités de nettoyage ou même une coupe de cheveux) deviennent nécessaires et souffrent d’un manque de personnel dans des pays comme le Canada.

La pénurie est alors très présente dans la main-d’œuvre agricole et aussi dans l’industrie manufacturière (soudeurs, personnel d’usine, machinistes), dans le commerce et également dans les services de niveaux de sophistication plus élevés comme le personnel médical, les infirmières, le personnel de soins aux personnes âgées et les programmeurs informatiques et créateurs de jeux vidéo.

La position mexicaine tient compte de la perspective macro de cette situation afin de pousser à de nouveaux développements du programme des travailleurs agricoles. Elle estime qu’il est essentiel que les gouvernements réagissent rapidement à cette réalité. Tout d’abord, il n’est pas dans les objectifs du pays d’être un simple exportateur de main-d’œuvre, mais plutôt d’offrir des remèdes de développement à sa population afin que la décision d’aller dans un autre pays soit, avant tout, un acte de choix et non une nécessité ; que les opportunités que ce travail ouvre se traduisent par des décisions orientées vers l’éducation et les processus productifs au Mexique pour faire exploser les changements générationnels.

La valorisation des journaliers, une fois perçu le caractère essentiel du travail agricole au Canada et l’impossibilité de le remplacer, permet de le repenser pour qu’il ne soit pas une activité condamnée à la précarité. En cette saison, l’augmentation du salaire minimum en Ontario pourrait entraîner une augmentation des salaires dans d’autres provinces et que des considérations d’ancienneté ou des activités plus sophistiquées qui se déroulent à la campagne aient un impact sur de meilleurs revenus.

Néanmoins, le plus important est l’effort visant à intégrer la PTAS dans une évaluation plus globale de ce qui se passe dans la relation de mobilité de la main-d’œuvre entre le Mexique et le Canada, qui devrait comporter beaucoup plus d’activités (la demande de main-d’œuvre et la façon dont elle attire les travailleurs en situation de vulnérabilité imposent d’envisager une telle perspective), et de faire prévaloir des principes fondamentaux comme l’équité : les mêmes droits, salaires et avantages pour les travailleurs migrants que ceux dont bénéficient les locaux, en comprenant et en quantifiant que l’un des éléments déclencheurs du régime de la main-d’œuvre étrangère temporaire est que les locaux ne veulent pas s’engager dans certaines activités. Et enfin d’accepter la grande complémentarité qui existe entre les forces de travail et de création dans toute la région nord-américaine.

 L’année 2022 sera une année de travail acharné et de coopération entre le Mexique et le Canada pour donner une fois de plus l’exemple au niveau mondial, éliminer définitivement les cas qui montrent la permanence des injustices et nous amener au niveau d’un système de mobilité de la main-d’œuvre qui répond à la demande et à l’offre comme l’exige l’époque actuelle.