STARTUPFEST : FÊTE MONDIALE DE L’INNOVATION ET DE LA TECHNOLOGIE AU CANADA

Rose Vervenne, membre d’Enablis et de la délégation argentine au Startupfest 2019 (photo: Enablis).

Il s’agit de l’une des principales rencontres mondiales des startups. Cette année, elle se réalise à Montréal et présente à plus de sept mille leaders et entreprises. Parmi les nombreux participants, d’importants projets et entreprises du Mexique, de l’Argentine et de la Colombie ont pris part à l’événement.

Par César Salvatierra / Avec le soutien de Montreal New Tech

Traduction : Maude Jalbert

Le côté triste des festivités se manifeste dans le silence qu’elles laissent lorsqu’elles se terminent. Toutefois, le cas contraire s’est produit avec le StartUpFest puisque l’événement a donné 800 mille dollars en prix et en financements pour des idées innovatrices et des commerces numériques naissants. Les effets positifs de cette rencontre ont continué à se répandre à toute vitesse après la clôture de l’événement. De nombreux parrainages et associés se sont manifestés pour faire partie des milliers de startups à travers le monde puisqu’ils veulent résoudre des problèmes sociaux concrets en utilisant la technologie. Le StartUpFest s’est officiellement terminé lors de la deuxième semaine de juillet. Le rideau à peine tombé, les participants étaient déjà en train de planifier de nouveaux plans, et les investisseurs, à chasser des idées. Cela a été la raison d’exister de cet événement mondial lors duquel un groupe d’Hispaniques ont présenté une série d’initiatives qui pourrait résoudre des enjeux d’ampleur mondiale.

L’Argentine au Canada

Enablis Entrepreneurial Network est une organisation canadienne à but non lucratif fondée par l’entrepreneur québécois Charles Sirois. L’un de ses objectifs est de mettre à disposition un programme de mentorat international pour les jeunes entrepreneurs. Ce projet nommé ScaleUp vise à promouvoir le développement économique durable. Pour se faire, Enablis a amené au Canada une délégation de son siège social situé en Argentine afin de présenter ses projets. La Managing Director d’Enablis, Rose Vervenne, nous a expliqué leur plan : « L’année passée, nous avons lancé le programme spécifique pour la technologie (startups). Nous l’avons commencé à Buenos Aires. Une partie du programme connecte les jeunes entrepreneurs à un mentor du Canada de façon virtuelle et, évidemment, nous les amenons à venir passer une semaine ici. Cette fois-ci, nous sommes allés à Toronto et à Montréal pour assister au StartUpFest, ainsi que pour faire des rencontres avec des contacts commerciaux grâce à l’appui des consulats de l’Argentine de chaque ville, et aussi grâce à Argentina Investment et l’Agence de Promotion commerciale », souligne Vervenne.

L’équipe de l’Argentine était représentée par : Ian Mackinnon, cofondateur et CEO de Spectro, et son associé Diego Jolodenco directeur de la commercialisation. Spectro est une entreprise d’ingénierie qui cherche à générer une croissance durable à l’aide de la numérisation. De plus, deux personnes de renommée ont participé à l’événement : Joaquín Paz Marchese, associé et directeur du développement des affaires pour VR4, une compagnie spécialisée en automatisation des processus robotiques, en blockchain et en développement; et Agustín Pina cofondateur et CEO de Mumuki, une entreprise qui promeut la formation en matière de programmation de logiciel à libre accès.

«C’est la première fois que nous amenons une délégation argentine, et nous sommes en train de voir la possibilité d’apporter le programme à plus de pays d’Amérique latine », a complété Rose Vervenne, dirigeante à Enablis. Cette organisation mise sur des initiatives d’innovation pour son élaboration, et elle possède un grand intérêt à découvrir l’écosystème montréalais.

– Rose Vervenne : Donc, comme nous possédons de très bons réseaux au Canada, nous avons décidé avec notre expérience d’aider à développer d’autres entreprises. Nous avons fait un diagnostic sur ce qu’il manque dans l’écosystème argentin afin de déterminer les points forts que nous avons en tant qu’organisation active dans les pays émergents. Nous venons donc avec quelque chose de différent que les organisations locales n’ont pas ; nous devons aider et réellement nous inspirer de la valeur de l’Argentine.

– Hispanophone : Montréal a une vision d’impact social, cela se voit dans l’écosystème local et les types de projets qui naissent en tant que startups

– Rose Vervenne : Les startups sont généralement formées de jeunes gens, et comme jeunes personnes, ils sont plus à l’affût de ce qui peut améliorer leur milieu. Ils se montrent à l’attention de ce qui ne va pas, ou bien à ce qui peut être amélioré dans la vie des autres personnes. Pour choisir les entrepreneurs, ceux-ci doivent passer une dernière étape qui consiste en une entrevue afin de connaître la personne derrière le projet, pourquoi elle le fait, et qu’elle est sa mission !

– Hispanophone : Que recherchent les startups en contactant l’écosystème montréalais ?

– Rose Vervenne : Ils cherchent à se mettre en contact avec d’autres startups similaires pour comparer leurs projets. C’est aussi pour voir s’ils peuvent créer des partenariats ou d’autres projets, et obtenir plus de clients. Ces personnes viennent d’un contexte (écosystème) où il est beaucoup plus difficile de réaliser ce qui est en train de se faire ici : le niveau de difficulté pour monter une entreprise est très différent. Il faut prendre en considération qu’ici on ne se rend pas compte de la facilité que l’on a pour pouvoir réaliser nos rêves. Il y a des personnes qui les réalisent dans différentes conditions à partir d’autres pays. S’ils viennent ici, c’est parce qu’ils ont travaillé très dur et ils arrivent sur une grande lancée. Il faut aussi prendre en compte la langue. Le monde des startups est un monde déjà globalisé, donc le langage utilisé est le même qu’au Canada. À Enablis, nous avons créé le programme ScaleUp pour développer notre entourage. Nous faisons une sélection entre les candidats. À l’intérieur de ce programme, nous renforçons nos habiletés grâce à des rencontres locales et à distance avec les mentors, et aussi grâce à des ateliers pour entrepreneurs en technologie.

Le Mexique se montre

Le StartUpFest est un lieu sûr pour réveiller l’intérêt des investisseurs canadiens et les amener à jeter un coup d’œil plus au sud. Cela a été l’un des défis de Patricia Cruz, représentante de l’INCMty. Ce dernier est le plus grand festival de l’Amérique latine pour les entrepreneurs en innovation. Il est organisé par la prestigieuse université privée Tecnológico de Monterrey située au Mexique. Celle-ci désire créer des opportunités et établir des liens entre les investisseurs, les mentors et les étudiants afin de générer un système de startup au Mexique : « notre objectif consiste à inviter les investisseurs de Montréal afin qu’ils se rapprochent de l’Amérique latine et ainsi créer des débouchés. De cette façon, ils découvrent et peuvent investir dans des projets qui attirent Montréal, et vice-versa, amener de nouveaux projets au Mexique. L’objectif est de répandre le marché vers l’Amérique latine ». L’événement INCMty se réalisera à Monterrey du 7 au 9 novembre prochain et il est certain que plusieurs parraineurs canadiens participeront pour chasser de nouvelles idées.

But du Brésil

Par ailleurs, il vient à point mentionner le travail entrepris par le Consulat général du Brésil à Montréal ces dernières années afin de mieux établir ses contacts canadiens. La présence des petits-enfants de Pelé au StartUpFest se doit en bonne partie à une carte virtuelle créé par le Consulat sur laquelle figurent tous les Brésiliens possédant une entreprise dans la métropole. Cela a grandement facilité la localisation de 15 startups ayant des directives et des inversions brésiliennes à Montréal. Leur participation au StartUpFest s’est donc réalisée plus facilement.

Voir les choses en grand

L’Argentin Diego Jorodenco est cofondateur de Spectro et il a été sélectionné pour le programme ScaleUp de Enablis.  La raison de sa présence à Montréal était de lui faire connaître l’écosystème de la métropole. Sa compagnie possède déjà une inversion en Argentine et dans d’autres pays d’Amérique latine. Toutefois, son équipe ambitieuse veut amener leur business au niveau mondial. Le fait que son entreprise soit déjà locale et vende à différents pays a permit leur présence au StartUpFest. Pour Jorodenco, le marché canadien est relativement de la même taille que celui de l’Argentine, quoiqu’il se révèle plus attrayant puisque c’est une façon d’être près des États-Unis, le grand marché. Il a noté qu’il existe au Canada une culture qui mise sur les initiatives d’innovation et sur la technologie ; une mine d’or pour observer ce qu’il manque en Amérique latine. Pourquoi ne pas penser à ouvrir un bureau, se questionne Diego Jorodenco.

– Hispanophone : Le système de Montréal tend à regarder vers Toronto, Vancouver, San Francisco et Boston. Dans le cas de diriger son attention vers Buenos Aires ou l’Amérique latine, que va apporter l’expérience d’une entreprise émergente argentine à Montréal ?

– Diego Jorodenco : Je crois que nous sommes très similaires ; le côté latin que possèdent Montréal et Québec dû au patrimoine culturel français est très semblable au patrimoine espagnol que nous avons en Amérique latine. Je crois que nous nous sentons bien à l’aise en contact avec cette culture. Cela nous stimule dans les projets que nous voulons monter en tant que compagnie internationale. Bien que nous puissions aussi explorer des opportunités avec les États-Unis, il y a réellement beaucoup plus en commun avec le Canada que ce que nous pensons. À l’exception des mines ou des industries très développées, la Banque canadienne a une bonne présence en Argentine. Je pense que si les deux écosystèmes commencent à se regarder mutuellement, il y aura beaucoup d’opportunités pour chacune des régions.

– Hispanophone : Malgré la distance, l’Argentine très au sud et le Canada très au nord, il y a de grandes opportunités ?

– Diego Jorodenco : Exactement. L’Amérique latine a beaucoup de talent à offrir au monde : talent qui croit avec une faible économie. Ce sont les entreprises en contact avec celles du Canada qui pourront renforcer l’économie grâce à leur apprentissage réalisé à Montréal. Par exemple, une entreprise argentine ayant un bureau à Montréal ne va pas seulement nous aider à nous développer, sinon que cela va aussi bénéficier au développement économique du Canada. Spectro, notre compagnie, se charge de numériser l’espace physique pour acheminer les données aux centrales telles que les aéroports, les hôpitaux ou les écoles, où les employés et les personnes se déplacent dans cet espace physique. Nous simplifions cette information pour que nos clients améliorent l’expérience des leurs. N’importe quelle amélioration de l’espace physique, comme un hôpital, a un impact social. Si c’est un aéroport, il y a aussi un impact. À Toronto, nous parlons du thème des villes intelligentes. Cette information bien présentée possède un grand potentiel, mais nous prenons toujours en considération la confidentialité des utilisateurs. Notre philosophie est : une morale dans la technologie à cent pour cent.

Un lieu pour les idées

« Montréal est une ville unique en Amérique du Nord, une métropole bilingue.  Elle a donc une ouverture à l’étranger, à l’inclusion, et cette diversité fait partie intégrante à ce qu’elle est. Et plus que l’acceptation de cette diversité est la volonté de travailler avec ça jour par jour. » Nous explique Ilias Benjelloun, cofondateur de Montréal New Tech (MNT), OBNL créé en 2008 dont la mission est de promouvoir les nouvelles technologies en particulier auprès des jeunes professionnels, valoriser les start-ups en les aidant à accéder au marché et mettre en relations les nouveaux talents aux investisseurs potentiels.

En 2018 MNT a co-organisé avec succès L’Afrique numérique/Digital Africa, une initiative rassemblant la diaspora africaine en technologie à Montréal afin de la renforcer et créer des ponts avec les écosystèmes de ce continent rempli de talents. Et pour Amérique latine?

Pour le cas des possibles liens entre l’Amérique latine et Montréal, Ilias Benjelloun considère qu’il est nécessaire, par exemple, inviter les startups latino-américaines à s’installer et développer leur talent, et réciproquement, accueillir en Amérique latine aux startups qui souhaitent commercialiser avec quelques marchés de la région latino-américaine. Pour les startups d’Amérique Latine, le fait de commercialiser ici est génial, car nous avons un écosystème en tech très ouvert au monde. De plus, Montréal est un petit marché (Québec a environ 7 millions d’habitants) donc, tester un produit dans un marché aux pratiques très nord-américain, et d’influence latine, permet d’avoir un bon point de départ. Commercialiser au Québec signifie que le marché nord-américain est déjà accessible.

Le marathon vers le sommet

Le Chilien Patricio Gutiérrez a été accueilli par l’équipe de Coopérathon, une plateforme d’innovation libre qui utilise la technologie pour résoudre des problèmes sociaux touchant six domaines : les finances, la santé, l’éducation, l’énergie, l’agriculture et le développement. « Imaginé et produit par Desjardins (le groupe financier coopératif le plus important au Canada), Coopérathon est la plus grande concurrence d’innovation libre ayant un impact dans le monde. Acteur de changement et générateur d’impact, les organisateurs de ce mouvement d’entrepreneurs sociaux reproduiront l’expérience pour la première fois cette année en Amérique latine priorisant le Chili grâce à son partenaire coopératif Coopeuch. Cette année, nous partageons ce grand marathon de coopération dans 16 lieux présents au Canada, en France, en Belgique et au Chili », a expliqué Patricio Gutiérrez. Pour avoir une idée plus claire du profil de leurs participants, l’année passée, ils ont donné le prix du meilleur projet à Watergeeks, une plateforme qui permet aux entreprises ayant des excédents d’équipements industriels spécialisés de contacter les utilisateurs locaux afin de les échanger au moyen de la vente, de l’achat ou de prêt. Initialement centrée dans le traitement des eaux pour le marché du Québec, elle servira graduellement à d’autres segments géographiques et industriels.

La décision prise par Coopérathon de mettre en marche un projet pilote au Chili n’est pas gratuite, mais bien le signe d’un intérêt qui commence à se noter. L’Amérique latine a un potentiel intéressant. Il y a des idées et des entreprises qui gagnent à être connues. La seule chose qui leur manque, c’est un petit coup de main pour créer des ponts entre les écosystèmes où se présentent ces grandes initiatives. « Nous voulons que les finalistes et les établissements qui appuient le Coopérathon se connaissent et tirent avantage de la synergie pour renforcer leur impact socio-économique. Les initiatives canadiennes comme le Coopérathon peuvent encourager ce chemin. D’ici là, le lancement de l’édition canadienne se tiendra le 2 octobre au Stade olympique à Montréal. La France, la Belgique et le Chile le feront à des dates similaires.

Pendant la première journée de travail de l’événement StartUpFest, une des assistantes a dit avec un air de mépris : “il est mieux d’investir plus dans les cerveaux que dans les mines”. Il serait peut-être le bon moment de l’écouter et de suivre ce conseil. Une bonne idée peut se transformer sans aucun doute en une grande mine d’or.


César Salvatierra est bachelier en Études hispaniques de l’Université de Montréal. Spécialiste dans la promotion de la culture hispano-américaine au Québec, il est rédacteur et agent aux relations publiques pour Hispanophone.  Plus d’articles de l’auteur

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