(Photo: wpmedia)

Par Lady Rojas Benavente

Il y a exactement 28 ans, je me trouvais à l´Université Western Ontario, je travaillais à la Faculté d´Éducation avec deux groupes mixtes d’universitaires qui allaient devenir professeurs en langue espagnole ou française.

En écoutant les nouvelles du soir, j´en ai entendu une sur la tragédie de la Polytechnique. J´ai passé une nuit blanche en pensant que c´était un cauchemar horrible, comme si on parlait d´un pays en guerre… Comment quelqu´un à Montréal pouvait-il commettre un crime si haineux, seulement parce que ces 14 jeunes étudiantes étaient supposément des féministes?

La grande tristesse m´a complètement bouleversée. Je voulais crier « Non à la violence! »

Alors, j´ai pris ma plume et, voilà, ce texte de révolte et d´indignation est né. Je le partage pour célébrer l´existence et ses promesses.

Nous ne pouvons pas oublier que la mort d´un être cher, dans ce cas-ci de 14 filles intelligentes et pleines d´espoir, a été un gros sacrifice non nécessaire pour le Québec et pour le Canada.

Plus que jamais, nous avons besoin de construire un monde et une culture de paix pour l´humanité et surtout pour chacun de nos enfants et nos petits-enfants, garçons et filles.

L’énigme d’être femme au Québec (traduction de Nicole Barré)

et ce cri déchirant l’air POURQUOI
cri incendiaire…
Louki Bersianik

La tempête a laissé
dans un recoin de mon chemin un couteau de glace.

Je découvre à nouveau l’énigme d’être fille, femme, mère, vieille.

Nous nous réveillons la nuit, glacées,
mortes de froid.
Les plus jeunes agonisent au milieu des cris
le corps haché le désir étranglé.
Les mots ne parlent que de sang.
Moi je les écoute pleurer.
Comment esquiver la douleur,
le froid,
les tremblements ?

Les pas nous surveillent un homme se cache.

Cette immense solitude a fait de nous
une feuille d’automne.

Moi je t’écris. Réchauffe le souffle qui nous reste !

Un jour peut-être mon fils et le tien brûleront-ils
pour toujours l’obscurité et nous pourrons
nous endormir dans nos rêves d’argent.

6 décembre 1989
Massacre de 14 étudiantes femmes à l´École Polytechnique de Montréal

***
El enigma de ser mujer en Québec

y ese grito rompiendo el aire PORQUÉ
grito incendiario…
Louki Bersianik

La tempestad ha dejado
en el repliegue de mi camino un cuchillo de hielo.

Redescubro
el enigma de ser niña, mujer, madre, vieja.

Nos despertamos en la noche congeladas,
muertas de frío.
Las más jóvenes agonizan en medio de gritos,
el cuerpo tajado,
el deseo estrangulado. Las palabras no hablan sino de sangre.
Yo las escucho llorar.
Cómo esquivar el dolor,
el frío,
los temblores?

Los pasos nos vigilan un hombre se oculta.

Esta inmensa soledad ha hecho de nosotras una hoja de otoño.

Yo te escribo. Calienta el soplido que nos queda!

Tal vez algún día mi hijo y el tuyo quemarán
para siempre la oscuridad y nosotras podremos
dormir nuestros sueños de plata.

6 de diciembre de 1989
Masacre de 14 estudiantes mujeres de l´École Polytechnique de Montreal

***
The Enigma of Being a Woman in Québec (Translation by Sophie M. Lavoie)

And that cry burst forth
WHY
An incendiary cry…
Louki Bersianik

The storm has left
a blade of ice.
in the meanderings of my path

I rediscover
the enigma of being girl
woman, mother, old.

We wake up in the night,
women, frozen,
dying of cold.
The younger women agonize
among the cries,
body carved,
desire strangled.
The words do not speak
if not of blood.
I listen to them cry.
How does one avoid
pain,
cold,
tremours?

The footsteps observe us
a man hides out.

This immense solitude
has made of us
an autumn leaf.

I write to you,
Warm the breath
we have left!

Maybe one day
my son and yours
will forever burn
the obscurity
And we women will be able to
Slumber, dreams of silver lining.

December 6, 1989
Massacre of 14 women students at the École Polytechnique de Montréal.


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